Edito
Quand nous réalisions le numéro 223 de mars sur Les mythes grecs et la littérature jeunesse, nous ignorions que le mythe de Pandore était sur le point de se réactualiser ; que la fameuse « boîte de Pandore », d’où s’échappent tous les maux de l’humanité, était en Chine, que ces maux virulents allaient déferler et nous terrasser. Dans le mythe grec, tout au fond de la jarre de Pandora, la première femme, il est resté seulement l’espérance. Chance. L’espérance est lente.
C’est ce qui nous anime après trois mois d’une expérience qui nous aura changés, qui nous laisse abasourdis d’impressions contradictoires. Ainsi la mise à genoux du monde du livre, dont la revue est un petit maillon, nous accable-t-elle, tout comme les difficultés des auteurs, des éditeurs ; NVL venait d’investir dans sa revue en couleurs, mauvais timing au vu des abonnements.Mais par ailleurs, le confinement a montré les acteurs du livre jeunesse à l’origine de multiples initiatives, pour soutenir la lecture, les lecteurs et les médiateurs, initiatives formidables d’énergie, de générosité et d’innovation. Nous-mêmes n’avons cessé de travailler, d’autant que notre thème Philosopher avec les enfants ? se retrouvait tellement en adéquation à une actualité que nous n’avions pas imaginée…
Car voilà les enfants de 2020 confrontés à une expérience jamais vécue de mémoire d’adulte, face à des questions philosophiques aussi difficiles que celles liées à la mort, la sienne comme celle des autres ; celles liées au confinement, l’interdiction, la solitude, l’ennui, le bonheur et le sens de la vie ; enfin la question de l’autre : ces autres qui « mangent » mon espace confiné, ces autres qui me manquent, mais aussi la peur de l’autre devenu dangereux… sans oublier la prise de conscience, avec l’emprise des écrans, du couple virtuel/réel. De quoi créer cet « étonnement devant le monde », base de la réflexion philosophique selon Aristote.
Mais nous adultes, restons hésitants, déroutés devant les justes questions des enfants, devant la complexité de la réponse à formuler, pris entre souci de clarté et désir de répondre vrai. Souvent, la réponse est balayée d’une main, avec nos pauvres mots « je t’expliquerai plus tard… » Accompagnement pourtant essentiel. Aussi avons-nous choisi ici la formule Philosopher avec… et surtout ce point d’interrogation : il englobe les questions que se posent les parents,les médiateurs du livre, les formateurs dans leurs pratiques, autant que ceux qui publient les ouvrages de plus en plus nombreux sur le sujet. Engouement légitime ?
« La philosophie, on a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants. Puisque la philosophie est celle qui instruit à vivre et que l’enfance y a sa leçon comme les autres âges, pourquoi ne la lui communique-t-on pas ? La philosophie a des discours pour la naissance des hommes comme pour la décrépitude. » (Montaigne, Essais)
Claudine Charamnac Stupar, présidente NVL/Centre Denise Escarpit
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