Toro - Atelier du Poisson Soluble

Illustrateur : Yaël

Comment dire l’indicible ? De fenêtre à fenêtre. Dire la magie qui fait que deux personnes, ici une femme et un homme, sont mystérieusement attirées l’une vers l’autre. La conversation ou plutôt les échanges qui s’installent entre eux, au diable le sens “commun”, construisent un monde qui n’appartient qu’à eux. « Moi j’ai passé toute une journée à descendre un escalier qui menait autre part. » « Loin d’ici il y a des pierres qui se déplacent lentement et qui disparaissent. Elles ont des bouches ». « Je n’ai jamais eu vos mains entre les miennes. Si vous voulez je peux me couper les mains et vous les envoyer par courrier pour les mettre ensemble. » Une façon très poétique de se mettre à nu devant l’autre. L’intime par petites touches surréalistes. Quand enfin ils se rencontrent – nous ne les verrons pas – la réalité est transfigurée par le filtre de leurs émotions. Ce qui était défi s’apaise. La voix de l’un fait écho à la voix de l’autre, leurs désirs se conjuguent. C’est un grand album dans lequel illustration et texte se partagent le meilleur. Le format inhabituel plus large que haut permet d’ouvrir l’album à la façon d’un couvercle de piano ! Puis, c’est comme parfois au cinéma, un seul et unique plan fixe de 18 grandes doubles pages ! Les mêmes deux fenêtres sur toits où va s’illustrer l’indicible approché par le texte. Tout est permis, la mer, les oiseaux, les nuages et les bateaux… et même découper les murs ! C’est bistre, sépia et brun. C’est tangent. C’est surréaliste. Quand l’émotion culmine, nous ne le verrons pas, mais le jaillissement d’un luxuriant délire floral nous en dira bien plus. C’est fou. C’est beau. Très bel album. Pour les grands, les très grands et les petits aussi. N’en priver personne !

Marie Dufon Roche

MDR