C’est avec émotion que Jean DELAS, directeur général de la maison d’édition L’ECOLE DES LOISIRS a donné le coup d’envoi des trois jours de rencontres autour du 50e anniversaire de cette vénérable maison. Trente auteurs de la littérature de jeunesse étaient présents pour le célébrer.
L’après-midi du 15 mai 2015, trois tables rondes se sont succédé, entrecoupées par le récit des auteurs-maison de leur première fois à l’École des Loisirs. Certains ont mis en avant la grande liberté qui leur a été offerte, d’autres le caractère familial de la « maison », enfin Yvan POMMAUX s’est, lui, livré à un délicieux exercice de mime représentant les angoissants tête-à-tête entre auteur et directeur artistique.
Les tables rondes portaient sur trois sujets : les moteurs de l’écriture, l’impertinence et la peur.
Xavier-Laurent Petit a animé la première en interrogeant Jeanne ASHBE, Grégoire SOLOTAREFF et Susie MORGENSTERN sur ce qui les motivait pour écrire. Jeanne ASHBE dit écrire « pour laisser parler le bébé en elle », et pour exprimer son admiration pour l’intense et infatigable activité exploratrice des tout-petits. Elle souhaite écrire des livres qui « parlent vrai » pour toucher des petits humains qui ne parlent pas encore, mais aussi pour montrer la part d’ombre des bébés qui n’est « ni rose dragée ni bleu pastel ». Pour Susie MORGENSTERN, le crayon, le papier et les mots sont des moteurs intérieurs depuis la prime enfance. Se décrivant comme une militante de la lecture en tant que thérapie et réconfort, Susie MORGENSTERN s’avoue fonceuse, adepte du « just do it », peu perfectionniste, et dit-elle, « un peu imbécile heureuse »…Grégoire SOLOTAREFF ne pense pas aux enfants quand il écrit pour eux mais cherche à retrouver sa propre enfance et les sentiments qui y étaient associés.
Lors de la deuxième table ronde portant sur l’impertinence en littérature de jeunesse, c’est Dorothée de Monfreid qui a guidé les échanges entre Stéphanie BLAKE, Anaïs VAUGELADE et Colas GUTMAN.
Tous semblaient unanimes pour affirmer que tant qu’il y aura des normes et des règles à respecter, il y aura de l’impertinence dans la littérature pour enfants. Impertinence que Colas GUTMAN a distinguée de la provocation gratuite ou du cynisme. Pour Stéphanie BLAKE, l’enfant est impertinent de manière innée et des livres comme Fifi Brindacier sont une licence pour l’autoriser à l’être davantage. En tant qu’auteur, elle aime les personnages impertinents parce qu’ils sont moins lisses, moins ennuyeux, plus drôles, plus complexes, plus imprévisibles, et qu’ils dérangent et font réagir. Ils invitent l’enfant à repousser les limites et à montrer sa non-conformité. Anaïs VAUGELADE a souligné que les livres impertinents offre aux enfants une occasion d’avoir enfin le dernier mot face aux adultes.
Pour conclure l’après-midi, Geneviève Brisac a interrogé Malika FERDJOUKH et Claude PONTI sur le thème de la peur en littérature de jeunesse. D’après Claude PONTI, il existerait deux types de peurs : les peurs enfantines intemporelles telles que la peur de perdre ses parents, de ne pas être protégé, de souffrir de la faim, et des peurs d’adultes bien actuelles, dont celles d’offenser certaines religions, de s’en prendre à des valeurs traditionnelles… Se situant résolument du côté des enfants, C. PONTI pense qu’il faut les aider à faire face aux premières et regrette que les secondes visent la protection plutôt que l’ouverture sur la vie. A l’envie des parents de protéger leurs enfants de la cruauté du monde, il oppose le devoir de les y préparer, en trouvant les biais pour pouvoir TOUT leur dire. Parmi lesquels les livres qui permettent à l’enfant d’apprivoiser ses peurs archaïques et inconscientes par les mots et les images. D’autant qu’il est libre de sauter des pages, de s’y arrêter longuement ou, lorsque la peur est insoutenable, de fermer le livre et d’y revenir lorsqu’il se sent prêt. Un enfant qui aura connu ces peurs de papier pourra peut-être affronter de vraies peurs une fois adulte.
Une riche journée d’échanges.
Christine Agion, Marga Lopez, NVL