A paraître: « Des usages des imagiers »- NVL 225 – Septembre 2020

A paraître: « Des usages des imagiers »- NVL 225 – Septembre 2020

Les imagiers autrefois destinés aux tout-petits pour leur apprendre le nom des choses, se sont vite et largement affranchis des limites d’âge comme d’usage. Au point que les médiateurs adultes ne savent pas toujours bien utiliser ces livres d’images, images artistiques ou qui semblent en roue libre et  dont nous interrogeons le sens parfois complexe. Ce sont ces usages des imagiers que nous essayons de définir et le parcours a beau être historique, on verra que tous les bons imagiers sont, selon le titre de Hervé Tullet , des «  imaginiers ».

Merci tout particulier au comité de lecture qui a fait preuve d’une grande assiduité dans la rédaction de notes de lecture pendant la période estivale.

A paraître: « Philosopher avec les enfants ? »- NVL 224 – Juin 2020

A paraître: « Philosopher avec les enfants ? »- NVL 224 – Juin 2020

 » la philosophie, on a grand tort de la peindre inaccessible aux enfants », disait Montaigne, ce sont plutôt les adultes qui parfois restent cois devant les questions si profondes des enfants. Comment répondre ? Pourquoi et comment philosopher AVEC les enfants ?

Nous avons sollicité des philosophes, des enseignants, des auteurs, étudié des ouvrages et des collections entières, des revues aussi, qui se consacrent à ce qu’il faut bien nommer une « philosophie jeunesse ». Mais notre littérature jeunesse – ses albums, ses fictions, sans label philo –  n’ouvre-t-elle pas souvent cet espace pour penser qui est, selon les mots de Deleuze ( cf. introduction B. Poulou),  » suivre une ligne de sorcière » ?

Luis Sepúlveda

 

 

Quand on a eu une éducation franc-maçonne,

un grand-père anarchiste,

un engagement précoce au parti communiste…

Quand on a été garde du corps de Salvador Allende,

que l’on a vécu un coup d’état,

que l’on a été condamné à 28 ans de prison, commués en années d’exil…

Quel genre d’ouvrages écrit-on pour la jeunesse ? Que veut-on transmettre aux générations futures ?

Luis Sepúlveda se présentait comme un homme du sud. Du sud austral.

Sa relation avec le Chili, le pays sismique qui l’avait vu naître était une relation orageuse, constituée d’amour et de haine, c’est sans doute pour cela qu’il était un grand voyageur, un citoyen du monde, un amoureux des peuples primitifs et un porte-parole de la préservation de la nature.

Ce grand lecteur, friand de récits d’aventures âpres, qui affectionnait Jules Verne et Francisco Coloane affirmait que sa seule patrie était la langue espagnole, son seul horizon, la mer, espace d’ouverture, espace des possibles.

Luis Sepúlveda aimait la vie et les être humains même et surtout pendant les heures les plus sombres quand seules la camaraderie, l’entraide, l’humour et la fidélité leur permettent de survivre au pire.

Ses personnages parfois désabusés mais non dénués d’humour incarnaient des valeurs intemporelles telles que l’humilité, la valeur d’un serment, la foi en la parole donnée, la force de l’amitié résistant à la morsure du temps.

Dans ses récits pour la jeunesse, il encourageait ses petits lecteurs à faire fi des moqueries, des critiques, des convenances sociales, à défendre ce en quoi des enfants vierges de tous préjugés pourraient croire dur comme fer : la tolérance, la transmission, le partage d’expériences, l’abolition des conflits inter-races, inter-espèces, inter-classes et la fin des rapports de forces dominants-dominés.

Dans le récit Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler   imaginé par le romancier en 1996, une mouette gestante à l’agonie soutire trois promesses à un chat « domestique » patachon.

Quand on est un chat, vrai de vrai, en digne représentant de son espèce, on se fait entretenir, on se prélasse au soleil à longueur de temps, on contemple avec envie des oiseaux qui pépient, on rejette toute forme de contrainte et on n’accepte pas d’obéir à l’appel de son nom.

Quand on est un félin, et un mâle de surcroît, on a un statut à défendre dans son quartier. On est un fier matou, dur de dur, désinvolte et nonchalant.

Quand on est un chat créé par Luis Sepúlveda, on se laisse émouvoir par sa proie toute désignée au point de surmonter son instinct naturel de prédation.

Quand on est ce chat-là, on s’engage à couver l’oisillon qui nous a été confié, à le nourrir, à l’élever et à lui apprendre à voler.

Un chat, tel qu’on le conçoit, ne sait, ne peut et ne volera jamais. Pour autant, le chat créé par Luis Sepúlveda, devra saisir le mécanisme de l’envol, la force du vent, l’équilibre du corps pour être en mesure de transmettre à son petit protégé la faculté et la grâce d’échapper aux lois de la gravité.

Ce chat-là devra mettre de côté sa fierté pour demander conseil, demander de l’aide, s’entourer d’alliés, dévier de son destin tout tracé, abandonner sa zone de confort.

La promesse que le chat met un point d’honneur à  accomplir et la lourde responsabilité qu’il accepte d’endosser, est la chance de découvrir en lui, en soi, des ressources insoupçonnées, une incitation à s’ouvrir aux autres, une occasion unique de se dépasser.

Dans notre société hyperconnectée, déshumanisée, Sepúlveda louait l’humanisme. Il militait pour la lenteur, le goût des choses simples, le plaisir des contacts bien réels, incarnés.

Il plaidait pour le respect des animaux, des forêts et des océans.

En ce mois d’avril 2020, c’est dans une petite ville espagnole située à une trentaine de kilomètres de l’océan Atlantique, que Luis Sepúlveda, après un mois et demi de lutte acharnée, a rendu les armes face au Covid-19.

Marga Veiga Martinez

Bibliographie

  • 1996 : Historia de una gaviota y del gato que le enseñó a volar, ouvrage de littérature d’enfance et de jeunesse Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler, traduit par Anne-Marie Métailié, Paris, Métailié, 1996 (ISBN 2-02-030043-5)
  • 2013 : Historia de Mix, de Max, y de Mex

Publié en français sous le titre Histoire du chat et de la souris qui devinrent amis, traduit par Bertille Hausberg, Paris, Métailié, coll. « Bibliothèque hispano-américaine », 2013 (ISBN 978-2-86424-910-8)

  • 2014 : Historia de un caracol que descubrió la importancia de la lentitud

Publié en français sous le titre Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur, traduit par Anne-Marie Métailié, Paris, Métailié, coll. « Suites », 2017 (ISBN 979-10-226-0726-1)

  • 2016 : Historia de un perro llamado Leal

Publié en français sous le titre Histoire d’un chien mapuche, traduit par Anne-Marie Métailié, Paris, Métailié, 2016 (ISBN 979-10-226-0521-2)

  • 2018 : Historia de una ballena blanca publié en français sous le titre Histoire d’une baleine blanche, traduit par Anne-Marie Métailié, Paris, Métaillé, 2019 (ISBN 979-10-226-0901-2)

 

 

A paraître: « Que d’émotions ! » – NVL 222 – Décembre 2019

Que d’émotions ! Les recherches en neurosciences, les programmes scolaires, les publications pléthoriques pour adultes comme en secteur jeunesse, tous aujourd’hui s’intéressent à ce sujet des émotions. Avec leurs manifestations dans le corps, elles semblent échapper à notre volonté et à notre raison, depuis des siècles on s’en méfiait, mais à travers la mode actuelle, nes s’agit-il pas toujours d’apprendre à les maitriser ? Les scientifiques disent pourtant que ce sont les meilleures alliées de l’apprentissage. NVL la revue porte un regard critique sur ces ouvrages dont les bonnes intentions n’excluent pas des amalgames regrettables.

Fredun Shapur

Son nom est déjà un poème… Fredun Shapur. Depuis les années 60, cet artiste a créé pour de nombreuses marques, des jeux en bois, des puzzles, des jouets de papiers et de tissu pour les tout petits. On le découvre alors dans le monde entier. Avec lui, le livre aussi  trouve comme un nouveau regard : à travers ses graphismes naît une forme nouvelle et un autre usage de la couleur.

Il a été peu publié mais aura bousculé l’imagerie traditionnelle.

Tel un origami taillé dans un bois brut et qui aurait pris vie, son Blackie le chat, la moustache rieuse, se tient là, perché sur une table au rouge vif, posant sur nous un grand regard en noir et bleu Trois couleurs pour panacher le pelage, non pas mêlées comme dans une peinture mais serrées l’une contre l’autre, comme un puzzle dont les pièces s’assemblent. Spot le chien est taillé dans ce même bois imaginaire, origami de couleurs qui fait de l’image en elle-même une joie pour le regard, mêlant exaltation et tendresse: une vraie image- jouet.

La composition de ses images est tout aussi ludique. Des formes coupées dans la couleur composent la niche, la table, la chaise. Un petit univers de jeux d’enfants complices au jeu de l’animal qui se construit en 6 couleurs: rouge, bleu, noir, blanc, marron, orange. Le texte est fait de cette même simplicité : avec les phrases courtes posées les unes à côté des autres, on compose sa propre chanson, dans l’infinité de jeux possibles contenus dans seulement quelques mots : Spot likes Sally. / Spot runs to Sally and tags his tail. / Spot tags his tail on the blue pain. / Spot has blue pain on his tail.

Dans Round and round and circle, Fredun Shapur propose également des superpositions de couleurs, jouant sur l’opaque et la transparence. L’image, toujours, est traitée et ressentie comme un objet en 3 dimensions. Ce qu’on pourrait qualifier de « design graphique », mériterait un nom plus joyeux. Aussi joyeux que cette démarche du créateur, qui joue avec les couleurs, joue avec les formes, joue pour nous inciter à jouer.

On trouvera beaucoup d’images du travail de ce designer pour l’enfance, mais peu de l’artiste même, petit homme à l’allure discrète, qui vient de disparaitre en ce mois d’octobre 2019. Rendons lui hommage car il nous laisse peut-être l’essentiel, à travers son oeuvre : le sentiment d’ un perpétuel émerveillement

Sarah Piazzo

L’étincelle et la cendre

Axl Cendres savait raconter à merveille les imparfaits, les cabossés et les loosers. Toute une galerie de anti-héros, mal partis dans la vie, des êtres qui avaient un grain de folie, peuplaient ses récits parsemés de tendresse. 

Sous sa plume, les marginaux, les rejetés suscitaient notre empathie. Les familles dysfonctionnelles et leurs vies politiquement incorrectes nous devenaient proches. Elle avait cette folie douce, ébréchée, désaccordée. Elle avait l’apparence et le discours d’un oiseau tombé du nid, contraint de s’endurcir au contact de la vie. 

Porte-parole des laissés-pour-compte et des vilains petits-canards, elle invoquait pour nous le destin des éclopés de la vie, sans pathos, sans mièvrerie. 

Elle protégeait ses personnages de l’intolérante norme sociale par une dose d’humour grinçant, une pincée de dérision et un ton décalé. Ses récits, écrits par d’autres auteurs, nous auraient paru bien glauques ou sordides. En demeurant toujours en dehors des cases bien carrées, bien proprettes, son humanité chaleureuse et sa distance au malheur, savaient nous troubler, nous émouvoir.

Elle avait 37 ans.

Au revoir, dame en noir !

Marga Veiga Martinez