par Maylis Cormont | Juin 20, 2021 | Lecture bonus
Roman sur le mythe de Polyphème
Comme dans les autres romans de la collection, Polyphème est le narrateur de l’ouvrage. Il raconte sa vie de berger répétitive mais appréciable. Ses habitudes l’apaisent. Cette routine est mise à mal par l’arrivée d’un bateau grec, celui d’Ulysse qui navigue vers Ithaque après la guerre de Troie. Tout s’accélère, les hommes pillent la grotte du géant et tentent de le duper. Un peu naïf, le cyclope leur fait confiance, il n’aurait pas dû, Ulysse l’aveugle lui crevant son seul œil, et ruse pour échapper à la rage du cyclope qui demandera à son père Poséidon de le venger.
Contrairement à d’autres romans de cette collection que j’ai pu lire, le passage à la première personne ne me semble pas apporter grand-chose.
Maylis Cormont
- Sylvie Baussier – Moi, Polyphème, cyclope
Scrinéo, coll. Scrinéo mythologie, 2021, 10,90€, 9782367409191. Dès 10 ans.
par Maylis Cormont | Mar 26, 2021 | Suppléments à la revue / Articles
Gérard Moncomble/ illustr. Mazan– La saga d’Achille Bouzouk.
Les Mange-Mémoire, tome 1.
Les fantômes d’Aham, tome 2.
La balade du Trouvamour, tome 3.
Dans les griffes de Ggrok, tome 4.
Editions Casterman. 2000, 2001. Épuisé, disponible en bibliothèque ou chez l’auteur. À partir de 10 ans.
mots-clés : Moyen Âge, fantasy, grimoires, jeux de mots, souvenirs |
Maudit soit le voyageur égaré qui tombe entre les griffes de Mmandragore ! Car elle dévore sa mémoire jusqu’au moindre souvenir, avant de la recracher dans ses grimoires. Quatre, précisément, qui seront revendus au plus offrant.
Mais la dernière victime de Mmandragore se rebelle. Rester amnésique ? Plutôt crevailler, par Zout ! Ce jeune homme fougueux s’invente même un nom : Bouzouk ! Un Bouzouk qui entend bien retrouver ses quatre grimoires et savoir qui il est, en vérité.
En 2000, Gérard Moncomble, auteur prolifique pour la jeunesse (entre autres de Manon) proposait la série Bouzouk composée de quatre tomes.
Magnifiquement illustrée par Mazan (pour la collection chez Casterman malheureusement épuisée) qui propose des illustrations noir & blanc au crayon, La saga d’Achille Bouzouk mélange habilement récit merveilleux, fable humoristique avec parfois l’introduction de bulles de BD.
La saga est d’une grande inventivité, bourrée d’humour et de références qui redessinent le roman médiéval pour enfants. Moncomble a inventé tout un vocabulaire. Ainsi, on achète des choses avec des ducons et ceux à qui on a « mangé » la mémoire sont des Gogols : tous les codes du roman médiéval sont respectés avec un détournement des plus modernes. Car l’auteur, derrière un humour très décalé et une intrigue un peu folle, parle de sujets forts, notamment la quête d’identité et l’importance des souvenirs. Si Bouzouk a perdu la mémoire, il est fort probable que les souvenirs qu’il se crée en tentant de la retrouver, façonnent qui il est réellement. Ainsi, l’auteur, tout en se plaçant dans une arène médiévale (le passé), rappelle aux jeunes lecteurs l’importance de s’ancrer dans un présent et d’envisager son futur en choisissant soi-même sa destinée.
Les jeux de mots, sous-entendus, calembours et autres contrepèteries donnent au roman un rythme particulier transformant la lecture plaisir en plaisir des mots. Il faudra parfois creuser les références : le nom même du héros n’est pas sans rappeler le bachibouzouk qui en turc signifie « sa tête ne fonctionne pas »…
Derrière cet effet délirant, l’intrigue est tout à fait cohérente et reprend les codes d’une quête initiatique d’un petit héros sans-peur à qui on a « chouravé » la mémoire. Si Lobel est le magicien des couleurs, Moncomble est sans aucun doute celui des mots !
Marie Barras
par Maylis Cormont | Juin 10, 2020 | Articles
🎵« Au fond rien n’a changé, pas de paix, de justice. T’es toujours en danger seul face à la police. […] Comme si l’histoire n’était qu’une boucle, ils tueraient à nouveau Malcolm X. »🎵 Malcolm X, Daddy Mory et Taïro
Le 25 mai 2020, aux Etats-Unis un homme noir est mort, assassiné par un policier blanc qui appuyait son genou sur son cou. Cet acte au XXIe siècle rappelle malheureusement que le racisme qu’on espérait disparu est toujours présent dans notre monde.
Le racisme n’étant pas quelque chose d’inné, l’éducation devrait permettre de l’éradiquer. La littérature est un atout pour cet enseignement, surtout la littérature jeunesse qui comme son nom l’indique s’adresse aux plus jeunes. La suite de cet article sera une petite bibliographie[1] commentée d’ouvrages de littérature jeunesse traitant de l’histoire afro-américaine.
L’Esclavage
Henry et la liberté, Ellen Levine/Kadir Nelson, Editions des Elephants, 2018.
Album bouleversant, Henry est un jeune esclave qui subit les mauvais traitements de ses maîtres. Il tombe amoureux d’une femme, avec qui il a des enfants. Un jour, tout le monde disparait, le maître de sa femme n’étant pas le même que le sien a vendu sa famille. Maintenant qu’il n’a plus rien à perdre il va fuir les états du Sud, et découvrir la liberté.
Harriet Tubman : la femme qui libéra 300 esclaves, Anouk Bloch-Henry, Oskar, Coll. Elles ont osé, 2019.
Harriet Tubman est une jeune esclave qui ne peut se résoudre à accepter sa situation précaire, telle une marchandise, elle peut être séparée de sa famille. Elle va donc fuir, et survivre à cette fuite. C’est déjà un certain exploit, mais cette héroïne ne s’arrête pas là, elle va repasser la frontière de nombreuses fois pour libérer d’autres esclaves au péril de sa vie.
Ces deux personnages n’ont pas accepté leur situation et ont pris les choses en main pour combattre le racisme ambiant. Malgré l’abolition de l’esclavage, certains blancs se sentent toujours supérieurs aux noirs. Les plus racistes se sont regroupés dans un clan, le Ku Klux Klan, qui terrorise la population noire. Le clan est évoqué dans des petits romans comme L’arbre aux fruits amers d’Isabelle Wlodarczyk chez Oskar. Un blanc est tué, des noirs sont accusés. La justice étant très expéditive, malgré leurs protestations les jeunes gens sont pendus, d’autant plus que le petit ami du mort aurait été violé. Le KKK reste très présent et s’opposera fermement aux mouvements pour les droits civiques, qui verront naître de fortes personnalités tel que Martin Luther King, ou mettront en lumière un geste, celui de Rosa Parks.
Rosa Parks
Les Etats-Unis qui ont aboli l’esclavage, continuent à travers la ségrégation raciale à nier l’égalité des droits entre blancs et noirs. Les noirs sont séparés des blancs, pour nombre de choses. Par exemple dans les bus le fond est réservé aux noirs. Ils peuvent s’assoir devant s’il n’y a pas de blancs et autrement doivent rejoindre l’espace réservé. Rosa Parks en 1955, va refuser de laisser sa place à un blanc et ainsi rester à l’avant du bus. Elle va subir nombre d’insultes mais restera assise jusqu’à son arrestation par les policiers. Ce geste très courageux est évoqué de nombreuses fois en littérature jeunesse, faisant de cette femme le symbole de la lutte contre le racisme.
La femme noire qui refusa de se soumettre, Eric Simard, Oskar, coll. Résistantes-Résistants, 2013
Rosa Parks, non à la discrimination raciale, Nimrod, Actes Sud Junior, 2014.
Le bus de Rosa, Fabrizio Silei/Maurizio A.C. Quarello, Sarbacane, 2011.
Martin et Rosa, Raphaële Frier/Zaü, Rue du monde, coll. Grands Portraits, 2013.
Rosa Parks tout comme Martin Luther King et d’autres icones noires sont présents dans I have a dream de Jamia Wilson et Andrea Pippins, publié chez Casterman, qui regroupe 52 personnalités noires ayant marqué l’Histoire. Ce livre permet de voir que l’histoire principalement blanche est aussi marquée par des noirs qui doivent toujours lutter.
Ecole
La ségrégation était aussi présente dans l’éducation, les écoles étant racialement séparées. Il a fallu attendre pour que certains élèves noirs puissent aller dans des écoles blanches.
A noter le merveilleux album Ruby tête haute d’Irene Cohen-Janca et Marc Daniau, qui montre la hargne des blancs contre cette petite fille noire, obligée d’aller à l’école escortée par des policiers. Il en est de même pour Les 9 de little rock d’Elise Fontenaille, édité chez Oskar ou Dorothy Counts d’Elise Fontenaille aussi édité chez Oskar. Que ce soit en album ou en roman, tous transmettent cette peur d’aller à l’école dans un pays où c’est un droit. Il faut faire face à la haine populaire à l’extérieur mais aussi à l’intérieur de l’établissement, le racisme étant pour certains héréditaire.
Aujourd’hui
On pourrait supposer que le passage au XXIe siècle ait apaisé les tensions et pourtant il n’en est rien comme le prouve l’actualité avec les trop nombreux meurtres. L’opinion publique a changé, mais certains restent enfermés dans des clichés.
The hate U give d’Angie Thomas publié chez Nathan montre bien que la police tout comme dans les années 30 n’accepte pas l’innocence des noirs. Ce roman raconte la mort de l’ami de la narratrice tué par un policier qui pensait que le jeune homme allait sortir une arme. Des émeutes vont suivre ce meurtre et mettra la ville à feu et à sang.
RIEN NE CHANGE !
Il est très important d’ajouter à cette bibliographie les romans de Malorie Blackman, Entre chiens et loups. C’est une dystopie car ce sont les noirs qui ont le pouvoir. On remarque d’ailleurs très rapidement que les opprimés tentent de se rebeller, allant jusqu’à faire éclater une bombe et donc tuer nombre d’innocents. Transposer les rôles permet d’éclairer sous un nouveau jour cette histoire afro-américaine et peut-être que certains comprennent « Black lives matter ! ».
Pour aller plus loin, filmographie (totalement sélective selon mes visionnages)
The hate U give
La couleur des sentiments
Le Majordome, une fresque sur l’histoire afro-américaine des champs de cotons à la maison blanche
Black Panther, premier super-héros noir
I am not your negro, Documentaire sur James Balvin et l’histoire des droits civiques
Dans leur regard, un groupe de jeunes noirs est accusés de viol, dans les années 70.
[1] Ouvrages reçus au Centre Denise Escarpit
Maylis Cormont