Michel Carabœuf - Bayard jeunesse
Illustrateur : NobL’exotisme est dans la simplicité et la normalité. Avec ce premier roman pour la jeunesse, Michel Carabœuf propose une histoire qui détonne par rapport à tout ce qui se publie aujourd’hui. Le héros – mais s’agit-il d’un héros ou d’un anti-héros ? – est habité par ses rêves. La narration ne dit pas son prénom mais ce jeune enfant, personnage principal, peut ressembler comme deux gouttes d’eau à l’auteur lui-même si l’on en croit le décor marseillais à la fin les années soixante. On a offert des patins à roulettes à ce petit garçon qui aimerait maitriser les figures possibles comme le font les champions de patinage artistique vus à la télévision. Il ne cherche pas la vitesse mais plutôt l’élégance comme parvenir à faire des arabesques. Dès qu’il s’élance sur ses patins, « son environnement dispar[ait] ». Peu à peu, quand il commence à maitriser son art, ce ne sont plus des arbres qu’il voit défiler sur les côtés mais une masse informe : il a l’impression de « glisse[r] dans quelque chose de vert ». Sur ses patins, il éprouve un sentiment de liberté, il entre dans le rêve ou la rêvasserie. L’intérêt de ce roman, tout en simplicité d’action et en pureté de langue, est de distiller ici ou là quelques valeurs : accepter la différence, avoir un peu d’ambition mais toute raisonnable en fonction de ses capacités et savoir faire le deuil de ce qui est inatteignable, réfléchir à ses actes car ceux-ci ont des conséquences, rester soi-même, même si c’est parfois en désobéissant, savoir se construire une identité en respectant la singularité que possède chaque être humain. Dans une histoire où alternent discours intérieur et narration omnisciente, ce « petit garçon » accompagne le lecteur vers l’âge qui l’attend. Alors qu’il ménage une place prépondérante au rêve, ce livre épouse le principe de réalité dont ont assurément besoin aujourd’hui la plupart des enfants. Régis Lefort