PEF - Gallimard


Ce n’est pas le premier album traitant du phénomène de la migration mais il a l’originalité de s’inscrire
dans une oeuvre musicale, une pièce symphonique avec trois chanteurs, un choeur d’enfants et huit violoncelles de la maitrise de Radio France. Cet accompagnement participe à l’émotion et à la dramatisation du récit, le rendant profondément touchant. Cetaincy est « Monsieur tout le monde » qui part au travail dans l’inconfort et l’irrégularité des transports en commun. Il gagne durement sa vie et pense à ses vacances, écrasé d’obligations et de contraintes quotidiennes dans ce monde « soit paradis d’argent soit enfer de la misère ». Folespoir est un autre personnage qui relativise les contraintes : chercher du bois pour se chauffer, puiser l’eau pour boire, supporter le Sirocco…tout cela c’est pour les autres… Terra Migra, personnage symbolique, c’est la conscience et l’histoire de ceux confrontés aux guerres, aux humiliations, à la nature sauvage et dangereuse, la traite négrière, l’esclavage, qui s’exclame « Qu’avez-vous fait pour qu’un sou soit un sou et un homme rien du tout ? » En face de lui, Folespoir est aussi poète et veut y « croire » malgré tout… Cétaincy est partagé entre le « pardonne- moi », comme devant cet enfant syrien noyé, échoué sur le sable et le « pars donc »… L’ambigüité reste, entre pardon et rejet, dans le choeur final montrant l’ampleur et la profondeur du problème. L’illustration participe avec grande justesse à nous faire pénétrer ce monde chaotique des drames vécus.

Paule Bloch